Primaires PS: le spectre de la démobilisation générale

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Une semaine après le scrutin cantonal de Brignoles, la désaffection de l’électorat de gauche pourrait marquer le premier tour, dimanche, du processus de désignation du candidat socialiste à la mairie de Marseille.

Comme toujours, l’arrière-saison a des goûts d’été mais une poignée. Pourtant, une poignée de Marseillais se retrouvent perdus dans un brouillard digne d’un « fog » londonien. Ils ont pour nom Carlotti, Mennucci, Ghali, Caselli, Jibrayel et Masse. Guides et aides de camp ont beau sortir cartes et lampes torches, le groupe n’y voit pas à un mètre. Comprendre : personne n’est en capacité d’assurer un chiffre de participation au 1er tour des « primaires citoyennes » qui se déroule dimanche 13 octobre. Une certaine fébrilité commence donc à gagner les équipes des candidats, sentiment qui n’est disputé que par l’incompréhension à l’égard de l’attitude de la direction nationale du PS. La campagne d’affiche annoncée ? Annulée. « On nous a finalement expliqué qu’il n’y en aurait pas car il aurait fallu intégrer aux frais de campagne du candidat désigné», témoigne l’un des candidats. De façon assez inexplicable, le pouvoir semble faire peu de cas du fait que la crédibilité d’une ministre – Marie-Arlette Carlotti, en l’occurrence, favorite des sondages – soit engagée… Peu informé, le citoyen marseillais désireux de voter devra se livrer à une autre chasse au trésor : trouver le bureau de vote, un seul par arrondissement, soit pour 50000 habitants en moyenne. Depuis dimanche soir, les mines se renfrognent encore un peu plus : l’électorat de gauche est resté à la maison à Brignoles, pourquoi sortirait-il à Marseille ?

27000 électeurs avaient participé aux primaires pour la présidentielles. Le rêve de se rapprocher de cette « jauge » a duré le temps d’un retour à la réalité. Puis, la barre a été ramenée à 20000. Puis à 15000. Le chiffre de la semaine ? 10000. « On mobilise les nôtres mais on croise les doigts », avoue un conseiller de l’un des favoris. « En-dessous de 10000, cela veut dire que dès dimanche, on a quasiment perdu les municipales », s’inquiète un proche d’un autre candidat. Elles n’étaient déjà pas gagnées d’avance…

Moins les électeurs s’annoncent nombreux, plus les rumeurs sur les agissements des réseaux « obscurs » galopent. Bref, tout le monde cherche à savoir où se trouve la « main invisible » de Jean-Noël Guérini, mis en examen à trois reprises par le juge Duchaine, en retrait du PS mais toujours président du Conseil général. On a vu son ombre planer sur la candidature-surprise de Christophe Masse. On le dit maintenant plaçant toutes ses forces derrière Samia Ghali, la sénatrice et maire des quartiers Nord. Toujours sans preuves.

Le thème du « clientélisme » a occupé une place centrale dans cette campagne des primaires. La ministre Marie-Arlette Carlotti, dont les demandes répétées d’exclusion de Jean-Noël Guérini du PS restent sans écho rue de Solférino, le député Patrick Mennucci et le président de la communauté urbaine de Marseille Eugène Caselli pourfendent régulièrement le « système clientéliste » qu’ils entendent mettre à bas via une « nouvelle gouvernance ». Ce « front commun » s’est pourtant lézardé sur la question du rôle de Force ouvrière, le syndicat « officiel » depuis l’ère Defferre. Lors du dernier débat, lundi soir, une passe d’armes a opposé Mennucci et Caselli, le premier accusant de ne pas l’avoir nommé vice-président à la propreté sur la base d’un refus de FO, le second jurant « les yeux dans les yeux » qu’il n’en était rien. Sur ce thème aussi, Samia Ghali cultive sa différence. Elle n’utilise jamais le mot et l’assume. « C’est quoi le clientélisme ? Quand c’est dans certaines classes, on se rend service. Quand c’est pour les pauvres, c’est du clientélisme. On ne combat pas le clientélisme avec des mots mais avec des politiques publiques».

Frictionnel sur le clientélisme, le débat entre camarades a viré à la course à l’échalote dès que le mot « insécurité » a été prononcé. Samia Ghali s’entête à vouloir faire appel à l’armée. Eugène Caselli verrait bien des drones dans le ciel de Marseille. Henri Jibrayel envisage une unité d’élite dans le genre SWAT de Los Angeles tandis que Christophe Masse a estimé qu’il n’était pas « dans la nature des Roms » (sic) de vouloir s’intégrer. Sur ce thème, c’est Mennucci qui s’est distingué en ne dégainant aucune mesure rocambolesque et en proposant un plan d’intégration de 1000 Roms à Marseille. Marie-Arlette Carlotti, elle, se veut « intraitable avec l’insécurité comme avec les causes de l’insécurité ».

Finalement, ils se sont tous retrouvés pour dénoncer la politique de Gaudin, la ville divisée et morcelée qu’elle produit. Tous ont produit des propositions en matière de développement économique, de vie culturelle, de « vivre ensemble », qui viennent s’échouer, comme autant de vagues, sur le récif incontournable des moyens. Prenons la question centrale des transports. Samia Ghali et Eugène Caselli s’adressent directement à l’Etat : la première demande trois milliards en douze ans, le second deux milliards dans un « fonds d’amorçage ». Patrick Mennucci estime que l’Etat ne mettra pas un sou supplémentaire à ce qu’il a déjà prévu pour la gare Saint-Charles et la rocade L2 et qu’il faudra en passer par un emprunt à l’échelle métropolitaine. Marie-Arlette Carlotti, a tellement intégré le « sérieux budgétaire » du gouvernement qu’elle milite pour «une réorientation vers des projets moins coûteux : je ne propose pas une grande extension du métro car cela coûte très cher. » Nous voilà bien loin du « plan Marshall » pour Marseille, proposé par Ségolène Royal lors de sa campagne présidentielle de 2007. Autre temps, autres promesses, autre engouement.

(Article publié dans l’Humanité daté du 10 octobre 2013)

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