(Article publié dans l’Humanité du 26 mars 2014)
Le parti d’extrême-droite progresse dans les noyaux villageois et les zones pavillonnaires tandis que le vote PS s’effondre dans les quartiers populaires.
Un maire de secteur d’extrême-droite. Après le coup de tonnerre du 1er tour, le coup de Trafalgar dimanche ? Stéphane Ravier, arrivé second sur l’ensemble de la ville avec 23% des suffrages, tient en effet la pole position dans le 7e secteur (13e et 14e arrondissements), dans les quartiers nord. Il y est arrivé en tête avec 32% des suffrages, devant le candidat UMP (27%) et le maire socialiste sortant, Garo Hovsépian (21%). C’est dire si le rapport de forces du 1er tour est défavorable à ce dernier.
Comment un candidat FN peut-il se retrouver aux portes du pouvoir local dans les quartiers nord de Marseille ? Les cités auraient-elles commencé leur bascule vers l’extrême droite ? On peut ainsi lire dans La Provence de ce mardi : « Dans les cités du 13e-14e aussi, le vote frontiste a nettement progressé. » Avec à l’appui, le score de 45% de Ravier dans un bureau de la cité des Flamants qui, en l’occurrence, accueille les électeurs des zones pavillonnaires voisines tandis que le bureau des électeurs de la cité HLM même lui a accordé 8% de ses voix (exprimées, soit 3% des inscrits)…
Quelle est vraiment la réalité du vote FN dans ces quartiers Nord ? Prenons comme témoins trois bureaux qui représentent la diversité sociologique de Marseille mais qui, voisins, s’inscrivent dans le même espace géographique : dans la partie nord du 14e arrondissement, quartiers Nord de Marseille.
Les bureaux 1453 et 1454 sont situés dans la cité de la Busserine, l’une des plus pauvres de la ville. Le bureau 1460 rayonne sur le noyau villageois de Sainte-Marthe et les nouvelles résidences construites au pied de la colline, zone ouverte à l’urbanisation par Jean-Claude Gaudin à l’orée des années 2000.
Si l’on calcule les scores par rapport au corps électoral, voilà le paysage sorti des urnes.
Dans le bureau 1460, traditionnellement, très à droite, le candidat FN recueille 22,75% des inscrits (contre 21,72% à la présidentielle de 2012). Il progresse en voix (de 290 à 335) et en pourcentage des exprimés (de 27 à 41%) tandis que celui de l’UMP passe de 18,57% des inscrits à 13,17%. Là, où en 2012, François Hollande attirait 20% des inscrits, le maire de secteur PS n’en a séduit que 9%… L’abstention est passée de 18% à 44%.
Passons aux bureaux des cités. La participation y passe de 70% à 34%. Le FN perd des voix par rapport aux présidentielles de 2012 mais en gagne quelques dizaines si l’on prend pour référent les municipales de 2008. Son score augmente par rapport aux exprimés mais recule en pourcentage des inscrits (à 3 et 6%).
La donnée majeure dans ce quartier populaire, composé majoritairement d’habitants de l’immigration post-coloniale, c’est l’effondrement spectaculaire du vote socialiste. Garo Hovsépian recueille entre 8 et 9% des inscrits contre 42 à 45% à Hollande et 30% à Sylvie Andrieux, qui menait la liste (d’union de la gauche) en 2008. Depuis, cette dernière a été condamnée, en première instance, pour détournement de fonds publics dans une affaire de subventions versées à de fausses associations. Elle a donc dû laisser son bras droit, âgé de 75 ans, prendre le relais et servir de « paratonnerre » au double rejet de la politique du gouvernement et des méthodes du PS local.