Mennucci, leader d’un PS désuni

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(Article publié dans l’Humanité du 22 octobre 2013)

On savait qu’il y avait deux Marseille, ville meurtrie par les inégalités. On se demande désormais si, à Marseille, il n’y a pas deux PS. La question se pose légitimement après une campagne de deuxième tour tendue comme jamais entre les deux finalistes. Le point culminant a été atteint dimanche soir après l’annonce des résultats, consacrant Patrick Mennucci tête de liste du PS, avec 13399 voix (57,16%) contre 10044 voix (42,84%) à Samia Ghali. Alors que le député prononçait, dans les locaux de la fédération socialiste, son discours d’ « intronisation », des militants favorables à Samia Ghali, scandaient, en fond de salle : « Samia, Samia ». Puis : « Ayrault, démission ». « Seule contre Matignon », crie l’un d’eux. Quelques minutes auparavant, dans un bar du Vieux-Port, son QG d’un soir, la candidate avait parlé « de la victoire non pas d’un seul homme mais de cinq candidats plus le gouvernement.» Les sifflets contre le premier ministre puis le président de la République allaient devenir la chose la mieux partagée du « camp » Ghali.

A la tribune, Mennucci veut croire au rassemblement. Peut-être se fera-t-il. Mais, pour l’heure, la réconciliation est encore en papier maché. A côté de lui, le regard perdu de Sami Ghali s’emplit de larmes que l’on devine plus de colère que de tristesse. Ses partisans, eux, ne mâchent pas leurs mots. « Parti de fachos », éructe un type bâti dans le granit. « Jamais, on ne votera pour Mennucci », lâche un papy sous l’œil gourmand d’une caméra qui ignore une jeune femme, répétant : « Vous la voyez comme une beurette, mais elle est Française ». « On votera Gaudin », s’égare un jeune militant.

Les propos de Marie-Arlette Carlotti, dimanche dernier, ont profondément blessé une grande partie de l’électorat de Samia Ghali. La ministre mettait en cause un clientélisme qui fonctionnait à plein et une organisation qu’elle qualifiait de « paramilitaire ». Durant toute la semaine, on a entendu, dans les quartiers nord, le même type de réaction: « C’est toujours nous, le problème. La pauvreté, les ghettos, la drogue. Même quand on va voter, on est le problème ». La campagne de Samia Ghali a incontestablement joué sur ce sentiment de stigmatisation. Elle ne l’a pas créé. « On nous parle de communautarisme mais s’il existe, ce sont les politiques menées qui l’ont créé en construisant des logements sociaux dans les même quartiers, en y parquant les mêmes populations d’origine immigrée », explique Yacine, militant associatif de longue date.

L’exécutif ne sort pas indemne de ce processus qu’il a tant voulu. Certes, son favori du second tour a dominé mais le bilan de plusieurs semaines de primaires est assez accablant. Une ministre, Marie-Arlette Carlotti, qui échoue dès le premier tour. Une finaliste, Samia Ghali, opposante à la métropole dont le poids politique sort renforcé, qui ne cesse d’attaquer le gouvernement sur le manque de moyens mis à disposition de Marseille. Une participation inespérée (24000 électeurs au second tour contre 20700 pour le 1er) mais reléguée au second plan par une fracture que ne soignera pas la pommade de la formule de Patrick Mennucci : « Le petit-fils d’immigrés italiens que je suis mènera son combat avec toi, la fille d’algériens. Marseille c’est la communauté de tous les marseillais ».

Au final de ce processus-psychodrame, les électeurs ont donc choisi le candidat qui avait, au préalable, le plus de légitimité pour endosser le costume : celui qui, en conseil municipal, ferraille avec le maire sortant depuis une décennie, celui qui, en 2008, a pris à la droite la mairie d’arrondissement du centre-ville puis, en 2012, la circonscription du cœur de Marseille. « Cela s’est joué sur « Stop ou encore à Gaudin » pas « Stop ou encore à Guérini », sinon Marie-Arlette aurait gagné », analyse un cadre de la fédération socialiste.

Mais le paradoxe n’a échappé à personne : le processus des primaires censé légitimer le candidat face à Gaudin n’a, pour l’instant, pas entamé le capital politique du maire UMP au pouvoir depuis dix-neuf ans. Ce dernier s’est d’ailleurs délecté du « triste spectacle » et des « affrontements internes au Parti socialiste (qui) ont porté atteinte à l’image de Marseille.» La candidature du maire sortant ne fait plus de doute. Demeure l’incertitude de la date de sa déclaration.

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